Laurence Huber
Laurence Huber (CH)

Laurence Huber

Laurence Huber (CH)

Laurence Huber

May 19July 9, 2005  |  Evergreene (Geneva)

Les photographies de la série « Let’s Pretend » mettent en scène des fillettes dont les ressemblances paraissent démultipliées. Les petites filles sont toutes vêtues de chemises de nuit blanches dans un environnement nocturne, comme sorties d’un rêve. Les mises en scènes sont étudiées, construites comme des tableaux. Les décors et les éléments qui les composent semblent sortis d’un autre temps, à l’instar des animaux empaillés ou de la Rolls «Phantom». Derrière ces images esthétiques et plutôt formelles se dessine une autre réalité. L’absence de sourire, la pose, trahit un malaise qui ne dit pas son nom. Les petites filles, figées dans un abandon saisissant et impénétrable, sont comme instrumentalisées par une situation qui les dépasse. Leur frontalité, leur unité de forme accentue encore leur mystère et leur vulnérabilité. Leur présence fait ressortir l’exiguité du cadre. Les éléments du décor, d’apparence kitsch, prennent alors une dimension plus inquiétante, à la frontière du réel et de l’artificiel. Le travail de Laurence Huber se déplace dans un terrain vague où naturellement et artistiquement les mythes et la technologie se rencontrent. Le froid clinique se heurte alors parfois à une intimité inspirée. La relation entre l’apparence et la vie intérieure, entre la socialisation et le produit hérité reste flou, comme la réponse à la question: jusqu’où se développera la technologie de reproduction?

Aux côtés de ces fillettes aux pieds nus, la vidéo « Shoe Spirit » montre une série de chaussures fantomatiques et luxueuses, réduites à l’idée de symboles. Le traitement de l’image leur donne une présence obsessionnelle et souligne le fétichisme lié à cet attribut féminin. Dans son travail, l’artiste conjure toute une série des figures de la passivité féminine - la femme-animal, la femme-narcisse, la femme-objet scientifique - pour mieux nous y renvoyer, à travers notre propre identification, comme à autant d’images de la perte de soi. Elle dresse ainsi souvent l’image de sa propre impuissance, mais invite aussi à entrer dans la psyche de l’autre.