B Side Deep and Dazzling
Frédéric Post (CH)

B Side Deep and Dazzling

Frédéric Post (CH)

B Side Deep and Dazzling

November 9December 23, 2006  |  Evergreene (Geneva)

En habitué de la scène musicale, Frédéric Post inventorie et contre-joue, les règles de fonctionnement, les signes de ralliement et les codes des micro-sociétés festives.

À la galerie Evergreene, la porte s’ouvre sur un drapeau découpé, une enseigne poétique qui porte les marques d’un jeu. L’artiste nous invite sur le territoire de Peter Pan et des enfants sauvages. De façon à peine visible, avec peu d’effets lumineux et quelques éléments sonores, les espaces d’exposition sont transformés en lieu de fête possible.

Frédéric Post a choisi d’attirer notre attention sur l’un des composants marginaux, devenu symbole du rapport à la fête de notre époque, l’usage de stupéfiants de synthèse. L’architecture mise en évidence par des ambiances lumineuses évoque les paliers liés à la consommation de ces produits hallucinogènes. Le parcours propose une expérience critique et sans illusion, qui relève la quête d’émotions de sa génération. 

­

L’artiste traite le sujet en archéologue du présent, documentant les formes données à l’un de ces produits illégaux : l’ecstasy. Tout comme des pièces de monnaies permettent d’inscrire une ruine fraîchement découverte dans un contexte historique global, la diversité des formes de diffusion d’une telle substance semble permettre, d’en dater la fabrication, d’en évaluer la provenance, voire d’y déceler des stratégies de marketing. Les petites pilules servent de véritables supports de création pour des « graveurs » anonymes, mais portent sur elles les signes de notre aliénation. Les poinçons sur les cachets d’ecstasy renvoient, de ces zones de décompression sociale tolérée, une image capitaliste dans laquelle le logo est roi. Le mode de conditionnement des substances psychotropes les indexe, donc, à notre époque et à ses paradoxes. 

Ne se contentant pas uniquement de documenter les diverses formes de diffusion de ces substances, l’artiste a élaboré par analogie des copies. Il a ainsi fait produire des placebos et des bijoux prenant l’aspect usuel des cachets vendus sous le manteau. Dans un premier cas, le spectateur, mis en présence d’une énorme quantité de cette pseudo-pharmacopée, éprouve le vertige de la consommation de masse, alors que dans le deuxième cas, il est confronté à des objets dont la préciosité ne fait que filer les métaphores des effets recherchés par leur absorption. Frédéric Post révèle la mise en place d’un système de production et l’étendue des savoir-faire nécessaires à cette économie parallèle, tout en réalisant des objets que chacun est libre de considérer comme des sculptures indépendantes.

Si le travail de Frédéric Post est souvent représenté sur la scène nationale et internationale (depuis 2003 dans la collection permanente du ZKM de Karslsruhe, à la Biennale de Sydney avec son installation Le Temple de l’Extase en 2004, ou en 2006 à la Schirn Kunsthalle de Francfort pour l’exposition Youth of Today), Side B explore les formes les moins exposées d’un monde dans lequel l’artiste est partie prenante. Cet accrochage à Evergreene à Genève est la première partie d’une exposition conçue comme les deux faces d’un disque.

Samuel Gross