Billard
Denis Savary (CH)

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  • (Photo: Annik Wetter)
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Denis Savary (CH)

Billard

September 18November 1, 2008  |  Evergreene (Geneva)

Pour Evergreene, Denis Savary présente Billard, une exposition dans laquelle il convoque de nombreuses références et tente de les faire dialoguer avec humour. Par divers biais, de l'hommage à la réappropriation, en passant par la filiation, l'échange, la relecture ou le détournement, Denis Savary aime relier divers personnages ou faire coïncider deux événements distincts d’un passé oublié.

Ainsi, dès l’entrée de la galerie, la série Intimité se présente à nous. Ces dix sérigraphies noires et blanches furent tirées d’après un ensemble de gravures conçu par Félix Vallotton, le célèbre illustrateur. Les rectangles vides témoignent du prélèvement opéré par le graveur sur ses bois. En effet, Vallotton avait mutilé sa série afin de produire un tirage justificatif, composé à partir des différents fragments du visage de Misia1. A travers cette reconstitution, Denis Savary met en évidence la violence du geste destructeur de Vallotton.

La réappropriation d’œuvres d’autrui se joue également dans les trente dessins présentés. Ces séquences ternaires réalisées à la mine de plomb, semblent anodines et abstraites, mais convoquent pourtant Seurat, Courot, Turner… En effet, ce sont des répliques de toiles célèbres, natures mortes ou paysages, que Denis Savary a pris minutieusement soin de reproduire trois fois, à l’identique, avant de les estomper au buvard jusqu’à les rendre méconnaissables et fantomatiques. Toutefois, au-delà des citations, ce flou artistique permet de laisser libre cours à l’imaginaire du spectateur.

Cette impression spectrale est renforcée par l’imposante maison de poupée exposée à proximité. Complètement vide, la demeure résonne seulement du trot d’un cheval en balade, et cette bande sonore participe à créer une atmosphère étrange. Ce jouet évoque, entre autres, les maisons de poupées fabriquées par Robert Gober au début de sa carrière. Les œuvres de Savary, comme celles de Gober, aiment se jouer du lien familier qui nous unit aux objets qui nous entourent.

La série d’affiches intitulée Celui qui s’y lance, est une pièce extrêmement emblématique du plaisir que prend Denis Savary à entremêler différentes références. Si la photo immortalise une des nombreuses tentatives d’envol de Ferdinand Ferber2, les quelques lignes au-dessous reproduisent l’annonce de la prochaine parution du roman de Felix Fénéon3 dans la Revue Blanche. Un projet qui ne verra jamais le jour… L’artiste imbrique ces deux événements atypiques, rajoutant ainsi, un document drôle et décalé, à une potentielle chronique de l’inachevé.

Quant aux deux vidéos qui sont présentées, Rumine et G.T.I, elles ne cherchent pas le spectaculaire, pas plus par leur facture que par leur intrigue, mais procèdent d’une économie volontaire de moyens. Elles sont filmées en temps réel et sans mise en scène préalable. L’action est simple : un homme tente de dormir sur des marches, un autre de réparer son phare de voiture sur de la musique électronique… Denis Savary souligne la futilité de ces deux tentatives. Une fois l’absurdité de la scène révélée au spectateur, la déception s’insinue. Non seulement les personnages semblent rater leur but, mais en plus, ce but paraît vain. Serions-nous, chacun à notre manière, producteurs de Grands Travaux Inutiles ?

Chloë Gouédard